Cassis
Ils ont surgi des coulisses sans que je m'y attende. Caroline, Janine et Alberto que je n'ai pas immédiatement remarqué tant mon attention était accaparée par la silhouette inimitable de Chris Corner qui a salué son public avant, comme à son habitude, de lui faire signe de se manifester davantage. Les premières notes à résonner ont été celles d'Into Asylum suivies de celles de Music People. De la suite, je ne garde aucun souvenir ordonné, seulement des images d'une force revigorante. Des relents de l'émotion alors éprouvée et qui perdure, soigneusement mise à l'abri des eaux sombres de l'oubli. Je pourrais parler des bras levés, de la chaleur, de l'effervescence grandissante. Je pourrais tenter d'exprimer ce que les veines charrient lorsque la musique est la seule raison d'être d'un instant pleinement vécu. Lorsque l'hypnotique Nature of Inviting me fait sombrer ou lorsque j'ai la satisfaction de chanter en choeur les mots qui peuplent mes journées, mes nuits. Je pourrais dire mille choses concernant la joie brutale que me procurent encore Nightlife ou Think of England. La simple évocation de ces quelques instants suffit à me transporter, à me plonger dans les délices que peut parfois conserver la mémoire. Alors, comme je ne peux espérer trouver les mots juste, je vais me contenter de répéter ceux que Chris Corner nous a adressé pendant l'intro de Spit it Out : "life is good".
Dans mes rêves se trouvent des vestiges, un éclat vert, une douceur que je combats farouchement au réveil. D'autres choses y errent, surgissant sans que j'en comprenne le sens ; la raison de leur présence m'est obscure.
Je suis inquiète à l'idée de reprendre les cours lundi. Je n'arrive pas à croire que je rentre déjà en troisième année de licence ; j'ai l'impression d'avancer, comme un condamné vers la sentence, vers les pires années de ma vie. L'imaginer comme une succession de jours vides, consacrés à troquer mon existence contre la possibilité de manger à la fin du mois me répugne. Perdre son temps pour gagner de quoi continuer à perdre son temps. Ce que je vois que je pense à l'avenir, c'est ce cercle vicieux, cet odieux non-sens.
Pour revenir au présent, je suis triste que R.E.M se sépare. Je me suis souvent dit qu'un jour j'irai les écouter. Je n'aurai pas cette chance.
J'avais quelques doutes mais cette semaine dans le sud s'est finalement avérée être une agréable parenthèse. M'éloigner de Paris, passer mes journées à flâner dans le port de Cassis ou à regarder les vagues, tout cela est parvenu à m'apaiser. C'est un été étrange, bien différent de ce à quoi je m'attendais. Je crois qu'à l'avenir, lorsque j'y penserai, je me souviendrai des musées visités, des repas partagés, des visages contemplés et des livres lus. Alors que le cadavre de l'amitié achevée quelques mois plus tôt est enfin silencieux, d'autres amitiés renaissent, le temps d'un repas, d'un appel ou d'une escapade dans un bar. J'aime ces journées qui s'enfuient avec hâte mais qui laissent un souvenir plus ou moins impérissable.
A mesure que les jours défilent, la fébrilité s'empare de moi : de belles nuits s'annoncent. En octobre ce sera Into Asylum tour et je rêve déjà le moment où je retrouverai Nature of Inviting ou Volatile Times. Puis, en novembre, je découvrirai l'Olympia et ses néons rouges annonceront The Kills. Enfin, je serai confrontée à la voix de VV, à la force de leur musique. Enfin, DNA, Baby Says, No Wow, Fried My Little Brains...
